Certains d'entre-vous connaissent ma passion pour la culture chinoise.
L’une des grandes spécificités de la
langue chinoise est incontestablement son écriture. Il faut savoir qu’en
chinois, la plupart des mots sont formés à partir de caractères, un peu à
l’image d’un puzzle. Contrairement à beaucoup de langues, ce n’est pas tant le
parler qui influe sur l’écriture, mais plutôt l’inverse.
Prenons par exemple le mot
« ordinateur » : 电脑 (diànnǎo).
Ce
mot est formé de deux caractères. Le premier, 电, signifie « électricité ». Le second, 脑, signifie « cerveau ». Un ordinateur est donc un
« cerveau électrique », et la prononciation du mot
« ordinateur » n’est donc que celle de la combinaison des deux
caractères précités.
L’autre particularité
de la langue chinoise est qu’il s’agit d’une langue fonctionnant avec des tons.
En mandarin (le chinois « standard »), on distingue ainsi 4 tons de
base. Le respect de ce ton est extrêmement important. En effet, en se trompant
de ton, le mot prononcé peut revêtir un sens totalement différent. Ainsi, il
convient de différencier :
猪
|
Zhū
|
Cochon
|
竹
|
Zhú
|
Bambou
|
煮
|
Zhǔ
|
Cuisiner
|
住
|
Zhù
|
Vivre (habiter)
|
Un
autre exemple « parlant » est ce poème intitulé « Le poète
mangeur de lion dans sa caverne de pierre » dans lequel la maîtrise des
tons s’avère particulièrement importante :
« 施氏食狮史 »
石室诗士施氏,嗜狮,誓食十狮。
氏时时适市视狮。
十时,适十狮适市。
是时,适施氏适市。
氏视是十狮,恃矢势,使是十狮逝世。
氏拾是十狮尸,适石室。
石室湿,氏使侍拭石室。
石室拭,氏始试食是十狮。
食时,始识是十狮尸,实十石狮尸。
试释是事。
La
prononciation en pinyin (la transcription officielle en écriture latine
instaurée dans les années 1950 par la République populaire de Chine) se fait
comme suit :
« Shī Shì shí shī shǐ »
Shíshì shīshì Shī Shì, shì shī, shì shí shí shī.
Shì shíshí shì shì shì shī.
Shí shí, shì shí shī shì shì.
Shì shí, shì Shī Shì shì shì.
Shì shì shì shí shī, shì shǐ shì, shǐ shì shí shī shìshì.
Shì shí shì shí shī shī, shì shíshì.
Shíshì shī, Shì shǐ shì shì shíshì.
Shíshì shì, Shì shǐ shì shí shì shí shī.
Shí shí, shǐ shí shì shí shī shī, shí shí shí shī shī.
Shì shì shì shì.
Et une
petite traduction (quand même) :
« Le
poète mangeur de lion dans sa caverne de pierre »
Dans une caverne de
pierre vivait un poète appelé Shi, qui était un mangeur de lion, et avait
décidé de manger dix lions.
Il allait souvent au
marché pour chercher des lions.
A dix heures, dix lions
arrivèrent sur le marché.
A ce moment là, Shi
arriva sur le marché.
Il vit ces dix lions,
et en utilisant ses flèches, tua les dix lions.
Il amena les cadavres
des dix lions dans sa caverne de pierre.
La caverne de pierre
était humide. Il demanda à ses serviteurs de la sécher.
Après que la caverne
ait été asséchée, il réalisa que ces dix lions étaient en fait dix lions de
pierre.
Essayez d'expliquer
cette affaire !
Il faut cependant avoir
à l’esprit que ce poème est rédigé en chinois classique. Pour des raisons de
facilité, le chinois moderne a généralement recours à des mots à deux ou trois
caractères, afin d’éviter la multiplication des homophones et, partant, les
risques de confusion.
Ce poème démontre à la
fois l’importance des tons dans la langue chinoise, mais aussi celle de la
spécificité de l’écriture chinoise (qui compte plusieurs milliers de
caractères). Il nous semble en effet que ce poème peut être lu, mais qu’il est
difficilement intelligible à l’oreille : à moins de connaître le poème,
peu de Chinois pourraient le comprendre. Toujours est-il que si l’écriture
chinoise, formée de caractères combinés, s’apparente à un puzzle, la langue
chinoise s’apparenterait plutôt à une chanson, chaque ton représentant une note
de musique.
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