Les élections communales et provinciales de
2012 en Belgique étaient, aux yeux de plusieurs observateurs dont moi-même, un
avant-goût de l’avenir de la Belgique. "Confédération", "fédération" ou "séparation",
ces mots revêtaient un sens particulier même si le sujet n’apparaissait que de
façon fortuite dans les médias consultés lors de cette campagne. Après
l’élection de 2010 où la NV-A avait causé un blocage institutionnel sans
précédent, allait-elle être sanctionnée ? Comment l’électeur flamand
allait-il s’exprimer ?
Le 14 octobre a mis fin à toutes les folles
conjectures que les analystes, dans leur salon ou dans leur bureau
universitaire, ont pu imaginer. Après des sondages qui donnaient à la NV-A un
résultat de 40%, faisant de lui le premier parti flamand, ses
résultats furent tout de même quelque peu moindres, obtenant environ 30% de
l’électorat flamand. Malgré tout, sa première place fut confirmée, avec un vote
préférentiel de plus de 76 000 voix pour Bart de Wever à Anvers. Un score
impressionnant, surtout pour un observateur étranger tel que moi.
Comment interpréter ce résultat ? Il est
difficile de croire que la majorité de l’électoral flamand soit
favorable à l’indépendance. Comme au Québec, les tenants de la « 2e
chance » à donner à l’autre communauté semblent nombreux, même si, pour un
indépendantiste, la Flandre donnerait là une énième chance aux Wallons.
Dans ce cas, qu'est-ce qui explique le score de la
NV-A? Deux éléments (avec ma lecture toute québécoise de votre situation).
Premièrement, la NV-A n’a jamais exercé de
fonctions gouvernementales. Bien entendu, vous me rétorquerez que ce parti a
déjà été dans certaines coalitions ayant formé l’exécutif de plusieurs niveaux
de pouvoir. Cependant, les élections de 2012 ont ceci de particulier : la
NV-A se présentait seule comme un parti qui prétendait (et qui prétend
toujours) au pouvoir local. Cette donne, toute différente des précédentes,
avait pour but de se légitimer comme un acteur qui, vecteur de l’indépendance
flamande, serait capable de mener les affaires de l’État.
Sa prochaine mission est donc de
taille : la gestion des affaires publiques. Si elle s’avère au goût de la
population flamande, il pourra donc se présenter aux élections de 2014 comme un
acteur crédible sur la scène régionale et communautaire.
En second lieu, ce vote semble démontrer le
mécontentement de la population flamande quant à la gestion économique de ses
voisins. Avant les élections, rencontrant un représentant de la NV-A lors d’un
évènement officiel, ce dernier exprimait sa désillusion en regard de l’avenir
de la Belgique face à la force que le Parti Socialiste conservait en Wallonie.
Son nationalisme semblait donc économique : son désir d’obtenir un État
distinct résidait dans son incompréhension envers l’ « Autre »
au niveau économique, avant d’être culturelle. Bien que cela reste du domaine
de l’identité, pour cet individu, l’idée d’indépendance ne résultait pas du
désir d’affirmation identitaire, sans rejeter cet aspect, mais d’affirmation
économique, ou du non partage de la richesse émanant de la Flandre.
Ce type de nationalisme, qu’il se retrouve
en Transnistrie ou, plus proche de moi, en Alberta, existe, chez des franges
plus ou moins marginales de ces populations, puisqu’elles ne partagent pas une
identité avec toutes les parties de la population de l’ensemble du pays. À ma
lecture, les militants de la NV-A n’ont plus d’attachement envers la Wallonie,
le lien de confiance n’existant plus – s’il a existé – ce qui explique leur
revendication de la régionalisation de la sécurité sociale. Pour plusieurs
théoriciens politiques, l’identité nationale est nécessaire à la construction
d’un État-providence performant et légitime. Pour la NV-A, cette identité
nationale n’existe pas.
Qu’en est-il alors de la Belgique? Une des
premières variables sera probablement la gestion que la NV-A fera de son rôle
de premier plan sur les marches du pouvoir. Si elle réussit cette épreuve,
l’électorat flamand pourrait bien lui donner un mandat plus grand en 2014. Ce
sera alors la chance pour la NV-A de se présenter comme un acteur majeur des
affaires publiques au niveau de la Région flamande, épreuve qui pourrait faire
de ce parti le porte-étendard de la volonté flamande…
Eric Berthiaume
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