Le
Sénateur réformateur Richard Miller annonçait il y a quelques jours son
intention d’introduire une proposition de révision
constitutionnelle visant à interdire les mouvements liberticides, tel que
le parti « Islam ».
Pour
légitimer sa démarche, Richard Miller se base sur la Déclaration Universelle
des droits de l’Homme adoptée par l’ONU le 10 décembre 1948. Celle-ci dispose
en son article 30 qu’aucune disposition de la Déclaration ne peut être utilisée
pour porter atteinte aux droits et libertés énoncés.
Un
tel mécanisme d’interdiction existe dans divers systèmes juridiques d’Etats
membres du Conseil de l’Europe (Espagne, Allemagne, Turquie). Il a d’ailleurs
été avalisé à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme,
par exemple à l’occasion de l’interdiction du parti communiste d’Allemagne de
l’Ouest dans les années 50 ou, plus près de nous, du parti islamiste turc
Refah, ancêtre de l’actuel AKP.
La
Cour est la gardienne de la Convention européenne des droits de l’Homme et des
libertés fondamentales, consacrée par notre législateur spécial comme le sommet
de notre hiérarchie des normes.
Or,
l’article 17 de ladite Convention possède le même contenu que l’article 30 de
la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. La différence (de taille)
réside dans le fait que la première constitue un instrument dit de hard law, c’est-à-dire qu’il sort directement
ses effets dans l’ordre juridique interne belge. La seconde, par contre, est un
instrument de soft law, un ensemble
de grands principes à la portée juridique beaucoup plus limitée.
A
priori, rien n’empêche donc le constituant de prévoir une procédure de
dissolution des partis. Il serait par contre plus pertinent de prendre comme
référent l’incompatibilité de son programme avec la Convention européenne des
droits de l’Homme.
La
seconde question à se poser est la suivante : « le parti Islam, dont
les deux élus ont prêté serment en tant que conseillers communaux la semaine
dernière, constitue-t-il un parti « liberticide » au sens de la
Convention européenne des droits de l’Homme ? »
Là
encore, la réponse est sans conteste positive. Parmi les points saillants du
programme de la liste « Islam », on retrouve notamment l’interdiction de la mixité dans certains lieux publics comme les
écoles, les salles de sport ou les piscines mais aussi dans les transports
en commun ; l’autorisation du port de signes convictionnels à l’école dès 12 ans ; l’obligation de proposer
des repas halal dans
les cantines ; la possibilité pour les musulmans de profiter de nouveaux jours de congés confessionnels (par
exemple à l’occasion de la fin du Ramadan ou de la Fête du mouton), sans
oublier la volonté affirmée d’obtenir, à terme, l’autorisation du mariage dès
12 ans…moyennant l’autorisation des parents (sic). En résumé, l’ossature
du programme de ce parti est constituée par la Charia, la loi coranique.
Or,
dans son arrêt « Refah Partisi c. Turquie » (2003) précité, la Cour
européenne des droits de l’Homme a clairement stipulé que la Charia était
incompatible avec les droits et libertés consacrés par la Convention européenne
des droits de l’Homme. Une décision motivée par « les règles de droit pénal et de procédure pénale, à la place qu[e la Charia] réserve aux femmes dans l’ordre juridique et à son intervention dans
tous les domaines de la vie privée et publique »
A
priori donc, une fois l’instauration d’une procédure de dissolution d’un parti
liberticide, il est fort probable que la liste « Islam » en serait
l’une des premières victimes.
Cela
signifierait-il pour autant que son discours disparaîtrait ? Rien n’est moins
sûr.
L’existence
d’un parti islamiste en Belgique n’est pas inquiétant en soi. Chaque courant
religieux, politique, philosophique, compte en lui sa part de radicaux. Ce qui
l’est, c’est que des milliers de citoyens de trois communes bruxelloises aient
fait le choix de voter pour une liste qui vise, à terme, à l’élimination de la
démocratie et des libertés fondamentales de notre pays. En faisant ce choix,
ils ont permis à des élus ouvertement islamistes de faire leur entrée des
assemblées locales : une première en Europe.
Bien
que le droit de vote aux élections communales soit ouvert aux étrangers, il convient
de ne pas fermer les yeux sur les conclusions à tirer de ce score
électoral : notre pays, à l’instar de beaucoup d’autres en Europe, connaît
un phénomène de ghettoïsation et de repli sur soi qui a pour conséquence que
des citoyens belges en arrivent à haïr les valeurs, le mode de vie, le régime
démocratique du pays qui les a souvent vu naître.
Outre
le score de la liste « Islam » à Molenbeek, Anderlecht et
Bruxelles-Ville, on citera les récentes informations faisant état de la
présence de militants salafistes au sein de nos forces armées, sans oublier les
récents démêlés du responsable de l’organisation « Sharia 4 Belgium »
avec la justice ainsi que les revendications identitaires et confessionnelles
de plus en plus affirmées dans l’espace public (notamment dans les
établissements scolaires). Autant de preuves accablantes du développement du
communautarisme au cœur même de la capitale de l’Europe.
Certes,
ce courant radical et militant de plus en plus visible est le fait d’une
minorité de nos compatriotes de confession musulmane. Et il ne faudrait pas que
ce phénomène inquiétant aboutisse à la stigmatisation d’une communauté dans son
ensemble.
Notre
société, sous l’impulsion de courants migratoires longtemps non régulés et de l’essor
démographique de ces mêmes populations, se transforme. Une transformation qui
se double d’une crise identitaire liée à la mondialisation et au développement
de théories multiculturelles issues de certains cercles académiques et
remettant en cause l’universalisme des Lumières. Des théories portées par les
élus de certains partis démocratiques au cœur même des hémicycles
parlementaires, notamment sous le vocable d’ « accommodements
raisonnables ».
Interdire
les partis et mouvements islamistes ne servira à rien si, à côté de mesures à
la portée symbolique forte, nous ne réaffirmons pas la primauté de la
séparation des Eglises et de l’Etat ; de l’égalité entre les femmes et les
hommes ; de la liberté d’expression (en ce compris le droit au
blasphème) ; de la défense du droit à l’orientation sexuelle ou encore de
la neutralité de la fonction publique et des établissements scolaires. Nous
devons renforcer le socle commun autour duquel nous pourrons bâtir une société
certes diversifiée mais partageant les valeurs qui ont façonné notre pays au
cours de son histoire et lui ont permis de devenir une démocratie accomplie.
Outre
ce renforcement des principes fondamentaux, la nécessité d’instaurer une
politique d’intégration efficace, calquée sur le modèle de l’inburgering néerlandais (importée depuis
plusieurs années en Flandre) ainsi que de réguler nos flux migratoires,
apparaît également de plus en plus criante. Un débat dont nous ne pouvons, là
non plus, faire l’économie. Avec sérénité. Mais aussi avec fermeté.
Le
fait que le phénomène se déroule (pour l’heure) essentiellement à Bruxelles
démontre enfin qu’il devient aussi urgent que l’ensemble des partis
démocratiques lancent une réflexion sur le développement économique et social
de notre capitale. Nous devons stopper le phénomène de dualisation qui ne cesse
de s’accentuer entre le Nord et le Sud. Entre quartiers résidentiels et ghettos
gangrenés par le chômage, la pauvreté, le manque de formation et l’insécurité.
A défaut, ce courant rétrograde qu’incarne le parti « Islam »
continuera de voir ses rangs gonfler par l’afflux des brebis égarées de
Molenbeek, Anderlecht ou d’ailleurs. Une capitale qui pourrait devenir
majoritairement « musulmane » d’ici une vingtaine d’années ne peut se
permettre de prendre un tel risque.
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