mercredi 21 décembre 2011

Joyeux Noël !


Noël, ou la période des Fêtes, est un moment festif de l’année où les réjouissances sont de mises. Peu importe les croyances religieuses et spirituelles, le mois de décembre est une période de célébrations! L’esprit qui accompagne les gens avec les premières neiges (et les premiers accidents de la route dus aux conditions climatiques hivernales) rend généralement les gens plus heureux car ces précipitations blanches venues du ciel sont nécessaires pour atteindre cet état.Malheureusement, depuis plusieurs années, les hivers québécois sont verts puisque aucune neige ne tombe avant le 25 décembre, réduisant ainsi l’ambiance reliée à cette fin d’année qui est habituellement teintée de la nostalgie des souvenirs heureux, souvenirs qui, comme Peter Pan, permettent de voler.

Le retour annuel de cette fête à l’origine religieuse amène aussi son lot de complications politiques… Nous assistons depuis plusieurs années à des revendications en ce Nord-Amérique où les communautés religieuses orthodoxes réclament des instances publiques l’abolition des décorations de Noël. Le débat des « accommodements raisonnables », l’acception d’ici, reprend alors pendant quelques jours après avoir culminé en 2007.

Cette année, le débat fut relancé de plus belle alors qu’une note interne aux édifices fédéraux, aussitôt démentie par le porte-parole du gouvernement, aurait en effet demandé aux responsables de ne pas décorer les lieux de « décorations de Noël ». Cela me rappelle en effet qu’il y a quelques années, l’aéroport de New York a banni son sapin de Noël pour éviter de froisser la communauté juive orthodoxe. D’ailleurs, dans les instances publiques canadiennes (lorsqu’elles sont francophones) et québécoises, l’appellation « sapin de Noël » est devenu « sapin des Fêtes » afin d’éviter toute connotation religieuse.

En fait, je pourrais toujours concevoir que la crèche de Noël soit enlevée des lieux publics. La référence directe à la religion catholique pourrait froisser certaines personnes plus sensibles à cette question. Par contre, les crèches vivantes sont plus souvent qu’autrement de véritables œuvres d’art par le jeu des comédiens et l’esthétisme des décors. Il est par contre déconcertant que l’on soit contraint d’« aseptiser » nos lieux publics du « sapin des Fêtes ». Pour ma part, et celle d’une grande partie de la population, un sapin avec des boules, des guirlandes et des lumières ne fait aucunement référence à la religion.

Autre fête, autres mœurs : l’Halloween était une fête païenne. Puisqu’une part assez négligeable de la population adhère à ces croyances, il ne serait donc pas nécessaire d’interdire aux édifices d’être décorés ? Je crois plutôt que l’ensemble de la population adhère à la conception que l’Halloween est une fête commerciale qui amuse les enfants. Noël se rapproche pourtant de cette conception pour une grande partie de la population (québécoise), si ce n’est l’aspect du congé accordé pour cette journée afin de permettre les réunions et célébrations familiales (et non-religieuses, à moins que l’alcool à profusion, une Wii, des jeux de cartes ou autres ne soient religieux?). Noël est une occasion de réunion plus qu’un hommage à la naissance du Christ dans de très nombreuses familles.

Certes, la fête de Noël relève de la tradition chrétienne et plusieurs familles se rendent (souvent à contre-coeur) à la messe de minuit. Cependant, la question soulevée dans mon article sur le multiculturalisme lors de l’épisode de Charlie Hebdo reste la même : doit-on vivre au sein d’un agglomérat de cultures à l’intérieur de territoires nationaux ou accepte-t-on qu’une communauté y est prédominante et qu’elle y véhicule un système de traditions historiquement ancrées? Sans tomber dans les extrêmes, le bon sens souvent évoqué a été soulevé dans le célèbre film Astérix et les Bretons : « En Bretagne, il faut faire comme les Bretons ! »

Ce qui est amusant avec cette citation, c’est la charge philosophique qu’elle contient. En effet, bien interprétée, elle représente une marque de reconnaissance de l’« Autre ». Prenons ici le commencement du problème posé : la grande majorité des pays ont des frontières ouvertes à l’immigration. De plus, plusieurs d’entre eux reconnaissent le droit d’asile pour les réfugiés des cataclysmes naturels et politiques. Ce geste montre une ouverture à l’Autre : nous reconnaissons que, pour plusieurs circonstances, vous devez (ou vous voulez) quitter votre pays et nous vous offrons la possibilité de vivre chez nous.

Ce premier geste est révélateur : une certaine ouverture est consentie envers ceux qui ne sont pas des « nationaux ». En retour de ce droit octroyé, la responsabilité implicite est que l’immigrant accepte les règles de la communauté prédominante (et non dominante) ainsi que le fait que celle-ci puisse évoluer comme elle l’entend. En échange, elle accepte l’arrivée d’individus qui pourront l’enrichir de leur culture, de leurs connaissances et de leurs apports à la société.

Ce caractère implicite est corollaire au fait que l’on accepte qu’une communauté nationale existe. En cette ère des droits individuels, cette communauté est mise à mal, ce qui permet alors aux « nouveaux arrivants » de réclamer des droits à la société d’accueil puisqu’aucune responsabilité n’y est reliée. Le problème de l’État actuel est donc qu’il doit conjuguer deux rôles: il doit être le représentant de la communauté nationale et être le défenseur de l’Etat de droit (donc des droits individuels).

Cette double fonction s’avère aujourd’hui contradictoire si les droits individuels ont la primauté ET qu’ils ne reconnaissent pas l’existence (et la nécessité) de la communauté nationale. L’individualisme radical ne reconnaît pas l’existence de communautés, la société n’étant qu’un agrégat d’individus. À l’inverse, le concept de nation postule une conscience englobant l’entièreté de ses membres, elle est donc plus que leur simple addition. Ainsi, puisque l’appareil étatique est le résultat historique de l’avènement du concept de l’État-nation, l’apparition du paradigme individualiste remet en question son existence et ses façons de faire.

En ce sens, le multiculturalisme adopté par les Etats dit nationaux promettait nécessairement de faire apparaître ces contradictions. Nous sommes donc confrontés au renouvellement du concept d’Etat ou à la réaffirmation de la primauté du concept d’état-nation. Encore une fois, les sociétés ayant adopté le paradigme multiculturaliste doivent faire l’effort de réflexion sur leur propre avenir, ce qui pourrait redéfinir pour les années à venir les allégeances individuelles…

Eric Berthiaume

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