Sirotant un breuvage à bulles habitué aux réveillons (mais se dégustant avec une certaine sagesse – enfin, en principe…), je refaisais le monde cette nuit de la saint Sylvestre 2011 entre deux manches d’une soirée « Sing star » consacrée au célébrissime groupe suédois « Abba » (si, Abba est un groupe célèbre !) tout en levant mon verre à la gloire des deux créateurs de ce blog (un peu de narcissisme n’a jamais fait de mal à personne).
Alors que la nouvelle année venait d’entamer ses premières secondes, mon auguste frère me rappela l’affreuse nouvelle : nous venions d’entrer dans la dernière année de notre existence.
D’aucuns prévoient en effet que l’année 2012 verra, d’ici le mois de décembre, le déclenchement d’un cataclysme tel qu’il provoquera la fin du monde. C’est en tout cas une prédiction qui circule sur différents sites internet (dont certains font vraiment peur…) et qui s’appuie sur le calendrier maya.
La date du 21 décembre (que nous vivrons avec une certaine appréhension – si, si, vous verrez : vous ne vivrez pas cette journée comme les autres…allez, on en reparlera dans 352 jours) a d’ailleurs déjà inspiré une superproduction hollywoodienne aux effets spéciaux tout à fait corrects mais aux dialogues assez pauvres ce qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas non plus nécessaire dans un film catastrophe.
Une carte blanche publiée dans "La Libre Belgique" quelques jours plus tôt me revint alors à l'esprit. Elle insistait notamment sur le fait que la NASA ne prévoyait pas de phénomène astronomique susceptible d'engendrer un tel cataclysme. Il me semblait en outre avoir lu quelque part (sans doute à la recherche d’éléments susceptibles de me rassurer moi-même...) que plusieurs spécialistes avaient attiré l’attention sur le fait que, dans la philosophie maya, la fin du monde devait plutôt être comprise comme la fin « d’un » monde, d’une ère, d’une époque donnée, et non la disparition de l’espèce humaine ou autre scénario catastrophe.
Mes pensées, au moment de rédiger cette première chronique de l’année, vont à ces oiseaux de mauvais augure qui n’auront, à leur insu, pas manqué de m’inspirer.
Certes, nous venons de le voir, l’année 2012 ne devrait (a priori) pas être la dernière de l’espèce humaine. Il me semble néanmoins, au terme de cette année écoulée, que nos sociétés occidentales poursuivent, pour ce qui les concerne, leur entrée dans une nouvelle ère : celle d’un monde remodelé…et pas forcément à notre avantage.
Le monde change et nous n’avons, nous semble-t-il, plus de prise sur cette mutation. Ce constat engendre bien des craintes (légitimes) mais aussi bien des réflexes qui ne vont pas sans faire frémir ceux qui connaissent les chemins tortueux de l'histoire européenne.
Crise économique, crise identitaire, crise sociale, crise démocratique : les défis n’ont jamais semblé à la fois aussi nombreux et aussi difficiles à relever.
Notre pays, comme bien d’autres autour de lui, a la gueule de bois. Après plus de 540 jours de négociations à n’en plus finir, nous pourrions, comme beaucoup, nous réjouir d’avoir pu vivre assez vieux que pour voir un nouveau gouvernement fédéral enfin entrer en fonction, mettant ainsi un terme à la plus longue période d’affaires courantes de l’histoire d’un pays démocratique en temps de paix.
Mais les défis à relever sont immenses et la situation économique extrêmement difficile, notamment pour les moins nantis. Au moment d’écrire ces lignes, 15% des Wallons et 20% des Bruxellois sont au chômage. Un habitant de la capitale de l’Europe sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, contre un sur cinq en Wallonie. Un vrai bain de sang social...
Alors que le revenu moyen d’un ménage bruxellois se trouvait en 1989 (au moment de la création de la Région bruxelloise) 15% au-dessus de la moyenne nationale, il se trouve désormais 15%...en-dessous de cette même moyenne. Quant à la Wallonie « qui gagne » (pour reprendre la formule lénifiante que ne cessent de diffuser en boucle les caciques des majorités « Olivier » - unissant PS, CDH et ECOLO), elle est passée, en une vingtaine d’années, d’un revenu moyen par ménage de 8 à 13% en-dessous de la moyenne nationale.
Une récente étude, réalisée par l’ULG, enfonce le clou. Comparée aux autres Etats de l’ex-Europe des Quinze, la Wallonie possède la plus faible espérance de vie ( !), le taux de chômage le plus élevé (notons que la Région bruxelloise, qui possède un taux de chômage supérieur à celui de la Wallonie, n’est pas reprise dans le classement) et se classe 11ème en ce qui concerne les performances de son système scolaire (la Flandre est deuxième…).
Conclusion de cette enquête menée par des chercheurs indépendants et objectifs ? La Flandre, gouvernée par la Droite, possède un des systèmes sociaux les plus performants d’Europe, alors que la Wallonie se situe en queue de classement.
Traduisez : « il ne suffit pas d’avoir des partis de Gauche au pouvoir pour que ceux-ci mènent des politiques sociales efficaces. »
Je pourrai parler de bien d’autres sujets problématiques, qu’il s’agisse de l’insécurité, de la montée du communautarisme, des problèmes linguistiques, des tensions liées à une immigration non régulée ou encore de l’enseignement, en passant par l’explosion démographique à laquelle notre capitale fait face depuis maintenant quelques années. Mais il me faudrait sans doute un livre pour en faire l’inventaire…
Comme souvent, il est inutile de désigner un bouc émissaire. La responsabilité est collective.
A qui la faute ?
Au parti dominant (celui de notre nouveau Premier Ministre), qui s’entête, pour des questions idéologiques et d’opportunisme électoral, à ne pas mener les réformes nécessaires à la survie de notre modèle social, ou attend la dernière minute pour y remédier (voir la récente réforme des pensions), lorsque les agences de notation rappellent notre pays à l'ordre.
Au principal parti d’opposition (dans les entités fédérées) et à ses membres (moi compris), qui doivent sans doute poursuivre leur effort en vue de communiquer une soif de changement qui, au vu des sondages, n’habite plus les électeurs du sud du pays, malgré des résultats objectivement catastrophiques, tant au niveau des politiques communautaires (notre enseignement est dans une situation déplorable) que régionales (la politique de l’emploi est essentiellement régionalisée). Plus que jamais, nous devons occuper le terrain, transformer le Centre Jean Gol en un instrument dynamique susceptible d’attirer ceux et celles qui ont tourné le dos à la politique (notamment les jeunes), occuper de manière plus habile les réseaux sociaux, relancer la bataille des idées (aujourd’hui dominées, dans notre pays, par la Gauche – notamment dans les médias), poursuivre le travail de propositions tout en luttant contre les idées reçues et les stéréotypes (le MR reste, pour beaucoup de citoyens, le « parti bourgeois », alors qu’il a vocation à être le parti du changement, du renouveau démocratique, du travail).
Au citoyen, aussi. Car il convient à partir d’un certain moment de cesser de se contenter de « râler », de « s’indigner ». Il ne sert à rien de perdre son énergie à digresser de manière récurrente sur le « tous pourris ! ». La démocratie, c’est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. Celui-ci dispose d’armes redoutables : la liberté d’expression, le droit de participer à la vie politique de son pays, le droit de s’informer mais aussi d’informer (ce qui n’a jamais été aussi facile par le biais d’internet, ce blog en est la preuve même) mais aussi, et surtout, le droit de vote. Car, in fine, c’est toujours l’électeur qui tranche. S’il est mécontent de la qualité de son enseignement, de sa qualité de vie, de l’absence de perspective pour sa commune, sa province, sa Région, sa Communauté, son pays, c’est à lui de sanctionner ceux qui dominent la vie politique à tous les niveaux de pouvoir depuis maintenant près de 25 ans, un cas unique en Europe. A lui. Et à lui seul.
Notre modèle social est en danger. Pas parce que de méchants « néolibéraux » (terme « fourre-tout » s’il en est) veulent le tailler en pièce. Mais parce que de puissants lobbies (les syndicats) se sont assis sur l’intérêt général pour bloquer toutes les réformes nécessaires lorsque ces dernières pouvaient se faire en douceur. Aujourd’hui, globalisation aidant, nous n’avons pas d’autre choix que d’adapter notre modèle, créé en période d’opulence, en attendant des jours meilleurs. L’adapter, afin de préserver l’essentiel de cet instrument fondamental qu’est la sécurité sociale. Avant qu’il ne soit trop tard.
Notre modèle de société est en danger. Pas parce que nous sommes intolérants (même si les discriminations et le racisme n'ont pas encore disparu de notre société). Mais parce que nous ne sommes pas suffisamment fiers des valeurs de neutralité, d’égalité (notamment l’égalité hommes/femmes), de liberté de croire (et de ne pas croire), façonnées par 200 ans d’histoire et de lutte pour l’émancipation de l’être humain, sans considération d’origine, de couleur de peau ou de sexe. A nous de les réaffirmer. A nous de tendre la main à ceux et celles qui sont contraints de se soumettre à des valeurs qui ne sont pas nécessairement les leurs. A la puissance publique d’exclure les signes convictionnels (quels qu’ils soient) d’une administration qui se veut impartiale, tant en apparence que dans ses décisions. A elle de sanctuariser l’école. Sans stigmatisation. Mais sans compromission.
Notre démocratie est en danger. Pas parce que des forces occultes (« Le Marché », « Le Grand Capital »…) s’en sont emparées. Mais par défaut d’idées, de débats, de participation, d'alternance, de renouvellement des cadres politiques. Le massacre d’Oslo, la découverte d’une cellule néonazie responsable de la mort de dix personnes en Allemagne, l’émergence d’une « démocratie autoritaire » en Hongrie, la montée des extrêmes et des populismes aux quatre coins de l’Europe, les émeutes de Londres, autant d’événements qui doivent nous mobiliser, car ces problèmes sont ou seront aussi les nôtres.
Ce n’est pas en adoptant une politique de l’autruche que ces problématiques seront réglées. La déflagration n’en sera que plus violente.
L’excellente revue « Science et Vie » consacrait, dans son édition de février/mars 2009, un hors-série à la question « Les civilisations sont-elles condamnées à disparaître ? ». A l’intérieur, on pouvait notamment lire une interview de Norman Yoffee, professeur d’assyriologie et d’anthropologie à l’Université du Michigan, qui déclarait notamment : « [La survie d’une civilisation] dépend en partie d’un renouvellement des idées, mais aussi d’une sélection et d’une reformulation de conceptions déjà existantes que l’on adapte ainsi aux nouvelles circonstances. Dans le passé, de nouveaux systèmes de pensée ont émergé à partir de situations dramatiques […]. Je pense que la clé de la résilience est l’idéologie. Si son idéologie et son système de pensée sont inadéquats, une civilisation peut avoir à affronter des changements radicaux et dramatiques ».
Dans un pays dominé par la Gauche depuis 25 ans, il est temps de faire souffler un vent de renouveau. Peut-être à l’occasion des élections communales d’octobre prochain.
Cette première réflexion sur l’année qui s’achève et les défis de 2011 peut paraître un brin pessimiste. Il n’en est rien. Car il ne tient qu’à nous de « réinventer l’avenir ». Notre pays regorge de talents et de gens de bonne volonté. A eux de faire entendre leur voix !
Bonne année à toutes et tous ! ;-)
Samy Sidis
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