jeudi 5 janvier 2012

Lecture saine (2) - Dracula

Tout a commencé sur les bancs de l'université, lors d'un cours de "Régimes matrimoniaux". Mon voisin, dont je tairai le nom, grand amateur de classiques de la littérature, lisait "Dracula" entre deux digressions du professeur portant sur le régime primaire et le régime secondaire ainsi que sur le mécanisme des "récompenses", concepts auxquels on ne pense pas forcément au moment de demander la main de l'être aimé, mais qui peuvent s'avérer très utiles par la suite...Il semblait comme "aspiré" par sa lecture de l'ouvrage de Bram Stoker. Moi, pendant ce temps, je laissais mon regard vagabonder à travers l'auditoire, observant dans l'ombre la chevelure et le visage d'une étudiante (dont je tairai également le nom...).
  
J'avoue n'avoir jamais été particulièrement intéressé par l'univers vampirique, à l'exception notable de Sarah Michelle Gellar à l'époque bénie de "Buffy contre les vampires". Quelle ne fut donc pas ma surprise en découvrant, sous le sapin de Noël 2010, cette oeuvre canonique du roman gothique. Tout au plus me rappela-t-elle dans un premier temps la scène d'introduction de cette critique. J'entamais néanmoins la lecture de l'ouvrage le soir-même...

L'effet fut immédiat. "Dracula" est rédigé sous la forme de fragments des journaux intimes de ses principaux protagonistes. La première partie nous rapporte les pensées de Jonathan Harker, clerc de notaire envoyé dans la lointaine Transylvanie. L'ambiance est, d'entrée de jeu, morbide, sombre, frissonnante, voire, par moments, étouffante. La forêt que traverse la calèche qui emmène le jeune Harker jusqu'au château du Comte Dracula est l'occasion de planter le décor particulièrement noir qui vous collera à la peau jusqu'à la dernière page de l'ouvrage. Jusqu'à ce soleil qui, comme tout le monde le sait, aura raison du "prince des ténèbres".

Le rythme est assez soutenu, particulièrement au début. Harker se rend progressivement compte de la nature maléfique, monstrueuse et, surtout, inhumaine de son hôte. Son journal intime reflète l'évolution du personnage et apparaît comme le témoignage d'un homme progressivement gagné par la peur, la terreur mais aussi, sur la fin, par une forme de folie, l'auteur se demandant s'il a vraiment toute sa tête, surtout après l'épisode au cours duquel il fait la connaissance des trois "compagnes" du vampire...je préfère néanmoins ne pas trop détailler le récit afin de vous laisser le plaisir de la (re)lecture de celui-ci.

Le "Dracula" original nous dépeint un vampire sombre, cruel, cynique et fourbe, le "Méchant" avec un grand "M". Bien que n'appréciant que modérément les profils manichéens (souvent trop simpliste car chaque être humain possède sa part d'ombre et de lumière - dans des proportions parfois très différentes, il est vrai), j'avoue que l'idée d'un personnage incarnant le Mal absolu ne m'a, pour le coup, pas vraiment dérangé, tant celui-ci s'insère parfaitement dans l'ambiance lourde qui nous accompagne tout au long de la lecture. Le roman se lirait presque d'un trait, et le moindre bruit autour de vous ne pourra que vous faire sursauter, tant le style tient le lecteur en haleine malgré l'un ou l'autre passage un peu plus longuet. Le style opté par l'auteur, celui du "journal intime" des différents protagonistes "humains", se marie tout à fait avec l'univers propre au récit.

Le ton particulièrement sombre est conservé dans les "coupures de presse" relatant l'arrivée d'un navire dont les occupants ont mystérieusement disparu, mais aussi dans le "Journal de bord" dudit navire, qui nous permet de comprendre que celui-ci comprenait un mystérieux passager clandestin, avant de se poursuivre avec la perception des événements par les différents protagonistes.

La suite, la plupart d'entre-vous la connaissent. Jonathan Harker, fait prisonnier, finit par s'enfuir et revient à Londres aux côtés de sa compagne Mina. Celle-ci assiste, impuissante, à la lente et terrible transformation de son amie Lucy, malgré l'arrivée du Professeur Van Hellsing, qui finit par diagnostiquer le mal dont souffre cette dernière ainsi que son origine...

Si "Dracula" a traversé les époques, l’œuvre cinématographique de Coppola l'a complètement refaçonnée. Il y a les puristes et il y a ceux et celles qui apprécieront le côté romantique, voire "sympathique", du personnage du film, face à un Jonathan Harker plutôt pleutre et une Mina Harker (censée être la réincarnation de l'épouse disparue de Dracula) particulièrement ambiguë à l'égard du Comte.

J'avoue que cette représentation du personnage, reprise dans la "comédie musicale" éponyme de Kamel Ouali, ne permet pas de reproduire l'ambiance particulièrement glauque du récit, qui en fit en réalité le succès. C'est sans doute pour cette raison que j'ai été extrêmement déçu par la suite de Dracula. Intitulée "L'Immortel" et rédigée par Dacre Stoker (arrière-petit-neveu de l'auteur) et Ian Holt, le roman reprend en effet la représentation "romantique" du "Prince des ténèbres", loin de sa nature originale. De quoi faire retourner Bram Stoker dans sa tombe...Mais ça, c'est une autre histoire ;-)

Lecture saine de la semaine prochaine : "Nagasaki", d'Eric Faye.

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