Il aurait pu réussir… régner 17 longues années sur l’Italie, finir de la modeler à son goût c’est-à-dire en la nivelant par le bas pour mieux la contrôler et en l’épuisant économiquement, et partir dignement la tête haute en sauveur de son pays. D’autant que ça avait d’ailleurs toujours été la crainte de ses opposants à tous les niveaux : qu’il s’en sorte en héros ou en bouc-émissaire, ou pire qu’il meurt en martyr…
Mais ce ne sera pas le cas, pour beaucoup et certainement au niveau international. En quelques jours, voire heures, il a dégringolé dans l’estime de tous. En prenant la situation même plus grave mais désespérée de son pays encore une fois à la rigolade, en montrant au monde avoir perdu tout contact avec la réalité, surtout celle italienne, en s’accrochant au pouvoir de manière irrationnelle et indigne d’un homme d’état, en tentant à nouveau d’intimider – certains disent acheter – les députés qui ont osé s’opposer à lui. Ultime tentative d’un homme à terre.
Des députés devenus adversaires, rejoignant la liste déjà longue de ses ‘ennemis’ : magistrats qui envisageaient de le condamner pour ses malversations et journalistes qui se liguaient contre lui. Tous des ‘traitres’, dont il bloquera les actions : en rédigeant des lois qui protègent ses intérêts et en maitrisant la presse. Intimidant les journaux qu’il ne peut acheter, menaçant ceux, étrangers, contre lesquels il ne peut rien et qui le suivent de plus en plus ces dernières années. Car l’Italie, au grand dam de ses ressortissants, est à cause de lui la risée de l’Europe entière.
Une Europe inquiète pour d’autres raisons que ses mots déplacés, ses retards aux réunions ou ses partouzes. Une Union Européenne qui se bat pour sauver la Grèce, l’euro et se passerait bien de la dégringolade de sa Botte. Mais l’homme continue à nier en bloc, pour lui tout va bien, il n’y a pas de crise, « les restaurants sont pleins ». Oui, ceux de Milan fréquentés par ses amis riches, ceux des villes d’art pleins de touristes ou ceux aux pizzas pas chères, seules sorties encore accessibles aux chômeurs ou travailleurs pauvres du pays !
Et ils sont nombreux ces ‘pauvres’ : 10% de chômeurs, 30% de moins de 30 ans sans emploi et sans indemnité (on n’est pas en Belgique), des milliers de jeunes diplômés qui triment dans les call-centers mal payés et voient comme seule issue : quitter le pays comme tant d’autres l’ont fait, les couples qui ne s’en sortent même plus avec deux salaires, ces salariés temporaires condamnés à la précarité des contrats à durée déterminée devenus la norme et non plus l’exception. Mais du haut de ses énormes villas, il ne peut évidemment pas les voir.
On est face à un cas extrême de politicien incapable de réaliser, d’imaginer, ce que vivent ses concitoyens. Des italiens qui ont à plusieurs reprises voté pour lui en masse, il faut bien le reconnaître. De plus en plus s’en mordent les doigts, et le disent enfin, envahissent les rues et les réseaux sociaux – non sans rappeler de récents mouvements dans des pays bien moins démocratiques à la base. Mais ici ce n’est pas tant la démocratie qui manque que la culture, confisquée par le leader qui sait qu’il est plus facile d’asservir un peuple ignorant.
Le ‘bel paese’, berceau de l’art, de la renaissance, de Michel-Ange se meurt face à des filles dévêtues qui sourient bêtement sur les écrans de télévision, que ce soit lors des matchs de foot ou des quizz ‘intellectuels’. Entouré d’escort-girls, dans le mensonge et la censure. Tandis que des musées, mal gérés, ferment et que des sites historiques comme Pompeï tombent en ruine. Le tout au milieu d’une dette nationale de 120% du PIB… et d’une fraude fiscale légitimée, d’une illégalité assumée, d’une crise des valeurs.
Car Il se moque de tout. Des femmes en premier, que ses frasques sexuelles et ses mots douteux ridiculisent régulièrement. Des homosexuels, qu’il dénigre allègrement. De quiconque n’est pas d’accord avec lui, tout de suite taxé de communiste ou de fou furieux. De ses homologues étrangers, qu’il ne respecte pas mais pour qui, il s’en rend peut-être compte aujourd’hui, il a perdu toute crédibilité. Qui non seulement se gaussent de lui mais le critiquent enfin plus ou moins ouvertement, plus encore qu’au niveau national peut-être. Oui le problème, c’est lui.
Mais qui pour le remplacer ? L’opposition a peu de candidats valables, peut-être parce qu’ils n’ont jamais pu, muselés par l’aura du Cavaliere et menottés par ses manigances, montrer de quoi ils étaient capables. Même Romano Prodi, ancien valeureux président de la Commission Européenne, n’a pas fait le poids comme 1er ministre à l’époque, ou plutôt n’en a pas eu le temps. Il est temps de chercher un nouveau champion. Quelqu’un capable de relever le pays, financièrement et moralement.
La droite y est mal en point aussi. Il va lui falloir faire oublier celle de Berlusconi, ce faux libéralisme intéressé qui a mis à mal nombre des valeurs fondamentales qui nous sont chères : respect de la femme et non-discrimination, liberté de la presse, égalité des citoyens devant la loi, respect des lois et de la constitution, séparation des pouvoirs. Pour ne citer que celles-là… avec en échange de la corruption, complètement banalisée, à tous les niveaux. Et en même temps, en évitant de tomber dans l’extrême-droite dont Silvio avait fait son partenaire.
Alors au point où on en est, on peut aussi se dire : n’importe qui, ça ne peut pas être pire. Il y a du vrai car voilà que notre homme, contre tout principe démocratique, après avoir perdu sa majorité parlementaire ce qui normalement entraîne la chute immédiate du gouvernement, postpose son départ. Mais en profite cependant pour déclarer qu’il s’en ira « pour le bien du pays ». Certains arriveront encore à y croire… les autres, ceux qui voient maintenant ou depuis longtemps clair dans son jeu, savent que si, à un moment de sa vie, le bien du pays l’avait un tant soit peu intéressé, l’Italie n’en serait pas là !
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